JS Éditions, l'arc-en-ciel de l'humanité.
Bonjour Céline, pour faire connaissance avec toi, pourrais-tu nous donner 2 choses que tu aimes d’amour, 2 choses qui te mettent en rage et 2 choses que te laissent de marbre ?
J’aime follement les gens. Presque tous, oui je sais ça paraît bizarre. Et j’avoue que ça n’est pas une passion facile tous les jours, mais c’est une source continuelle de découvertes et d’émotions, mon insatiabilité se régale !
J’aime presque autant les mots. Ceux qui servent à comprendre et communiquer bien sûr, mais plus encore ceux qui produisent du beau, du jeu.
L’impuissance me met en rage. Et l’insolente impunité des puissants, mais ça se rejoint probablement.
En revanche, j’avoue que je m’intéresse assez peu aux tendances modes ou aux souris que me ramène mon chat (ce qui le scandalise).
Tu luttes au quotidien contre le validisme, comment le définirais-tu ?
Le validisme, c’est l’idée que les vies des personnes handicapées vaudraient moins que celles des personnes valides. Et cette idée justifierait de nous discriminer, dans tous domaines. Ça peut se manifester par un franc rejet, ou par de l’infantilisation. Par de la pitié ou au contraire une idéalisation excessive… Mais finalement, il en résulte toujours une forme de mise à l’écart, qui peut aller jusqu’à nier notre droit de vivre.
Contrairement au sexisme ou au racisme, c’est un terme qui est encore très peu connu, alors tout le monde considère qu’il est normal de penser ces choses-là. Mais en réalité tout le monde est validiste, même nous personnes handicapées, puisqu’on baigne dans cette société. C’est quelque chose d’ommiprésent dans nos quotidiens, dans nos relations… Le validisme est très ancré, s’en défaire prend du temps mais bonne nouvelle : on peut y arriver ! :-)
Tu as travaillé déjà à 2 reprises pour JS Éditions en tant que lectrice sensible spécialisée dans le handicap. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste la tâche de lectrice sensible ?
La lecture sensible est une démarche importante pour s’assurer qu’on propose aux lecteurs des représentations justes, échappant aux habituels clichés discriminants. Malheureusement, encore trop peu d’éditeurs y ont recours.
En tant que personne concernée, mais aussi militante contre toutes formes de validisme, j’ai un regard assez affuté et repère assez rapidement les écueils classiques en matière de handicap. Je fais une première lecture, puis une deuxième en prenant des notes, et j’essaye ensuite de rédiger tout ce que cela a pu m’évoquer en matière de représentation du handicap. Je signale les points négatifs, mais aussi positifs, pour orienter au mieux l’autrice ou l’auteur. J’essaye toujours de transmettre ça avec beaucoup de douceur, je sais combien il peut être délicat de soumettre son projet à la critique et de se voir remettre en question quand on pensait bien faire !
Mais c’est un travail extrêmement fertile quand les auteurs sont à l’écoute, donc très enthousiasmant !
Qu’aimerais-tu trouver plus souvent en littérature, qu’elle soit à destination de la jeunesse comme des adultes ?
Je crois qu’on a terriblement besoin de représentations… banales ! Je rêve de personnages handicapés dont la qualité première ne serait pas d’être handicapés, mais prince, voleuse, papa ou mécanicienne. Le handicap serait évoqué sans aucun fard, mais uniquement lorsque cela se justifierait dans l’intrigue principale. La voleuse laisserait des traces de pneus, le papa et sa fille communiqueraient en langue des signes, la mécanicienne aurait un poste de travail adapté, sans en faire un événement en soi.
Nous sommes trop souvent pris en pitié (classique : le personnage handicapé mène une triste vie de solitude et rencontre un.e valide qui lui fait découvrir le monde) ou héroïsé (trope de la personne handicapée qui « surmonte son handicap », et développe une grande sagesse et générosité). Je rêve que le handicap soit un sujet comme un autre. Ni malédiction, ni bénédiction : une particularité.
Quel est ton livre préféré ?
Oh non, je suis incapable de répondre à ce genre de question c’est trop cruel. Il y a un livre pour chaque émotion, chaque rencontre, chaque moment de la vie.
Un petit mot pour la fin ?
Ribouldingue. J’adore ce mot.